Energie

Hydrogène vert. Attention aux points de vigilance !

C’est l’une des annonces tant attendues pour le secteur, le gouvernement compte démarrer en 2024 la mise en œuvre de la vision royale concernant l’Offre Maroc dans le domaine de l’hydrogène vert.  Toutefois, certains points de vigilance sont à prendre en considération pour la réussite de ce large chantier. Détails. 

Dès 2024, l’Offre Maroc sera déployée de manière effective. Pour rappel, Sa Majesté le Roi avait donné en novembre 2022 ses Hautes instructions pour élaborer une «Offre Maroc » qui inclut toute la chaîne de valeur de la filière hydrogène vert au Maroc. Cette offre devrait inclure un plan pour les infrastructures nécessaires en plus du cadre réglementaire et institutionnel. 

D’ailleurs, un rapport publié par l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) a fait ressortir que le Royaume fait partie de la liste des pays destinés potentiellement à devenir d’importants producteurs d’hydrogène vert. Le pays est d’ailleurs considéré depuis plusieurs années déjà, comme étant l’un des pionniers en matière d’énergies renouvelables et qu’il pourrait fournir jusqu’à 12% des besoins énergétiques mondiaux à l’horizon 2050. 

Lire aussi | Maroc. Potentiel gazier interne et positionnement stratégique entre l’Europe et l’Afrique [Par Charaf Louhmadi]

Mais si le Maroc peut justement prétendre être le pionnier en matière d’hydrogène vert, c’est parce qu’il présente un potentiel considérable en raison de plusieurs facteurs favorables, comme nous l’explique Maitre Ghalia Mokhtari, Avocate au barreau de Casablanca, spécialiste des questions énergétiques et climatiques, mais aussi membre du conseil d’administration de l’Institut marocain d’intelligence stratégique (IMIS).Pour l’experte, le pays bénéficie de ressources renouvelables abondantes, dans le sens où le pays bénéficie d’un ensoleillement important et de niveaux de vent élevés, ce qui offre des conditions idéales pour produire de l’hydrogène vert à partir d’électrolyses alimentées par l’énergie solaire et éolienne.

En deuxième lieu, la position géographique stratégique. En effet, la proximité du Maroc avec l’Europe, notamment ses accès à la Méditerranée et sa large façade atlantique, en fait un candidat idéal pour l’exportation d’hydrogène vert vers l’Europe, où la demande d’énergie propre est en croissance. Troisièmement, l’engagement politique. La Vision Eclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI montre un engagement, et ce, depuis 2009, envers les énergies renouvelables et l’hydrogène vert, ce qui se traduit par des stratégies à long terme visant à développer ces secteurs.

Quatrième facteur, la coopération internationale, puisque le Maroc s’engage dans des partenariats internationaux pour développer des projets d’hydrogène vert, ce qui peut favoriser les investissements et les transferts de technologie. Et enfin, les initiatives de recherche. Des institutions marocaines, telles que l’Institute for Research in Solar Energy and New Energies (IRESEN) et l’Université Polytechnique Mohammed VI (UM6P), sont impliquées dans des projets de recherche sur l’hydrogène vert, renforçant ainsi la base de connaissances du pays.

Lire aussi | Montée en puissance de Renault Group au Maroc. Les messages forts de Luca de Meo [Vidéo]

Toutefois, de grands défis restent aussi à relever. Ghalia Mokhtari explique dans ce sens «qu’il est essentiel toutefois de noter que le développement de l’hydrogène vert reste un défi en raison notamment, de coûts de production élevés, de questions de réglementation à clarifier, et de la nécessité de réduire les coûts globaux pour le rendre compétitif par rapport aux combustibles fossiles. Le Maroc, comme d’autres pays dans le Monde, devra donc relever ces défis pour exploiter pleinement son potentiel en matière d’hydrogène vert ».

Et justement, ces grands défis à relever ont été traités dans un rapport rédigé par l’Institut marocain d’intelligence stratégique (IMIS). Intitulé  « L’hydrogène vert au Maroc : défis et opportunités pour le Royaume chérifien », ce dernier est une contribution du think tank au débat sur l’élaboration de «l’Offre Maroc». Réalisée par Ghalia Mokhtari, en collaboration avec El Mahdi Karoum, ce rapport examine les opportunités offertes par la filière de l’hydrogène vert au Maroc, dans le but de passer d’une dépendance énergétique «grise» à une souveraineté énergétique verte, voire exportatrice d’ici à 2035.

Et pour pouvoir y arriver, plusieurs points de vigilances sont justement à prendre en considération. Ghalia Mokhtari nous explique dans ce sens, que dans le contexte de l’offre du Maroc en matière d’hydrogène vert, il faudrait tenir compte de plusieurs points. D’abord, les coûts de production puisque l’un des principaux défis est le coût élevé de la production d’hydrogène vert par électrolyses. Les investissements dans la réduction des coûts de production seront essentiels pour rendre l’hydrogène vert compétitif par rapport aux énergies fossiles.

Deuxième point, l’infrastructure et la logistique puisque le Maroc devra développer une infrastructure adéquate pour produire, stocker et transporter l’hydrogène vert de manière efficace et sécurisée. Cela inclut la mise en place de stations de recharge d’hydrogène, de pipelines (si nécessaire), et éventuellement de ports d’exportation.

Lire aussi | Le forum « Agrichain investment in Africa » prépare le terrain pour l’investissement agricole

Troisième point très important, celui relatif à la réglementation et normes. «Le cadre réglementaire devra être adapté pour soutenir le développement de l’hydrogène vert, y compris la création de réglementations spécifiques pour l’hydrogène, les permis nécessaires, et les normes de sécurité», précise maitre Mokhtari.

Et enfin l’approvisionnement en eau, dans le sens où la production d’hydrogène vert nécessite de l’eau, et la disponibilité de sources d’eau suffisantes et durables sera un enjeu crucial. Compte tenu de la situation de stress hydrique que connaît le Maroc, la construction et la mise en place de stations de dessalement d’eau de mer sera nécessaire. Mais pas seulement. «Comme nous l’avons souligné dans notre dernier Policy Paper publié avec l’IMIS, l’offre Maroc devrait tenir compte notamment des points de vigilance (non négociables à notre sens)», précise Ghalia Mokhtari. Pour l’experte, l’un des points non négociables est que le secteur privé national devra profiter de cette opportunité avant les géants pétroliers mondiaux qui investissent énormément dans ce domaine et qui disposent de fonds très importants du fait du renchérissement des cours. 

L’autre point essentiel, est que les meilleurs sites de potentiel solaire et éolien doivent être réservés aux acteurs qui créeront le plus de valeur ajoutée pour la communauté nationale en matière d’emplois, de développement industriel et territorial. Aussi, une industrie des électrolyseurs, des piles à combustible devra, à terme, être développée au Maroc pour profiter pleinement de cette stratégie en termes d’emplois. 

Sur un autre volet, aucun accord d’«off-take» ne saurait être négocié avec un acteur public ou parapublic marocain, si celui-ci comportait des risques systémiques pour l’économie nationale ou serait potentiellement initiateur d’un effet domino pour les finances publiques du Royaume. A l’instar de la Chine, des accords de transfert de savoir-faire vers le tissu industriel national doivent être systématiquement signés avec les acteurs internationaux, afin de permettre l’émergence d’un écosystème de l’hydrogène vert. 

Lire aussi | Sécurié alimentaire au Maroc : l’IFC injecte 200 MUSD dans quatre projets

Pour ce qui est des projets destinés à l’export, ces derniers ne devraient être examinés qu’une fois un seuil satisfaisant contribuant à la souveraineté énergétique nationale soit atteint. De plus, pour ces mêmes projets destinés à l’export, un droit de « préférence nationale » doit être introduit dans les contrats, qui permettrait au pays de bénéficier de la production si une rupture de production d’énergie majeure était enregistrée sur le plan national. 

Et enfin, les tarifs des redevances éventuelles ne doivent pas se baser uniquement sur les plans de développement soumis par les développeurs, mais doivent être examinables en fonction des évolutions des projets. Pour l’experte «l’équation n’est pas simple ; Pour réussir dans le domaine de l’hydrogène vert, le Maroc devra d’une part équilibrer les défis liés à la réglementation, à l’infrastructure, à la technologie et au coût, tout en capitalisant, d’autre part, sur ses atouts en matière de ressources renouvelables et de position géographique stratégique».

Aussi, pour tirer le meilleur profit de l’offre en hydrogène vert au Maroc, la spécialiste nous énonce quelques recommandations clés. En premier lieu, favoriser l’investissement dans la réduction des coûts. «Le gouvernement marocain et les acteurs du secteur devraient investir dans la recherche et le développement pour réduire les coûts de production de l’hydrogène vert. Cela peut inclure l’adoption de technologies plus efficaces et l’optimisation des processus de production», explique-t-elle. Ensuite, développer une infrastructure robuste pour la production, le stockage et le transport de l’hydrogène vert est essentiel. Cela peut nécessiter des investissements dans des parcs solaires et éoliens, des électrolyseurs, des stations de recharge d’hydrogène, des pipelines et des ports d’exportation.

Lire aussi | Prêt vert. IFC et OCP signent un accord de 1 MMDH pour la construction de centrales solaires

Mettre en place un cadre réglementaire stable et favorable pour le secteur de l’hydrogène vert. Cela peut inclure des incitations fiscales pour les investisseurs, des réglementations claires sur la production et le transport, ainsi que des normes de sécurité. Une autre recommandation pour la Formation et l’éducation. Il est nécessaire de mettre en place des programmes de formation et d’éducation pour former une main-d’œuvre qualifiée dans le domaine de l’hydrogène vert. Cela peut contribuer à créer une expertise locale et à attirer des investissements. Autre point, celui relatif au développement de l’industrie locale. En effet, il faudrait encourager le développement d’une chaîne d’approvisionnement locale pour les composants et les équipements liés à l’hydrogène vert. Cela peut stimuler l’industrie nationale et réduire les coûts d’importation.

Et enfin, une surveillance continue. «Suivre de près les évolutions du marché mondial de l’hydrogène vert, les tendances technologiques et les réglementations internationales, mais aussi s’adapter rapidement aux changements pour rester concurrentiel».

Maitre Ghalia Mokhtari, Avocate au barreau de Casablanca.

«L’ampleur de la croissance dépendra de l’articulation de l’Offre Maroc » 
Sans aucun doute ! Le déploiement de l’Offre Maroc aura un impact sur le développement de l’emploi. En effet, le secteur de l’hydrogène ne cesse de s’accroître et possède un potentiel impressionnant. 
A titre d’exemple, aux Etats-Unis, certains experts espèrent que le secteur génère d’ici 2030, 700 000 emplois et des revenus allant jusqu’à 140 milliards de dollars. 
Au Maroc, la création d’emplois directs se manifestera dans plusieurs secteurs, notamment dans la production d’énergie renouvelable, la production d’hydrogène, le dessalement d’eau de mer, la chaîne d’approvisionnement locale pour les équipements nécessaires à la production, la formation et l’éducation de la main-d’œuvre qualifiée, ainsi que les emplois indirects dans des secteurs tels que la logistique et la recherche. 
L’ampleur de la croissance dépendra principalement de la manière dont la stratégie nationale de l’hydrogène vert sera pensée et de comment l’offre Maroc sera effectivement articulée.

 
Article précédent

L'UM6P et le CGIAR ouvrent la voie à la recherche agricole en Afrique

Article suivant

Assemblées FMI-Banque mondiale. Les dirigeants dévoilent les 4 principes de Marrakech pour la coopération mondiale.