Judiciaire

Le surpeuplement carcéral, symptôme d’un mal profond

Humaniser les conditions de vie dans l’espace carcéral et réduire au maximum la détention préventive sont des mesures urgentes et nécessaires pour faire face notamment au «surpeuplement carcéral». Mais, à elles seules, ces mesures sont insuffisantes, car le mal est plus profond. Des solutions plus radicales sont à envisager dans le cadre d’une nouvelle approche multidisciplinaire.

Après les deux communiqués émanant de la délégation générale de l’administration pénitentiaire et de réinsertion (DGAPR) et de la ligue des magistrats au Maroc (LMM), le ministère public (MP) a finalement réagi dans un long communiqué, exprimant surtout les difficultés pratiques et l’embarras que connaissent les magistrats face à une réalité sociale complexe où la délinquance et la criminalité ont tendance à s’accroitre. Tout en partageant l’inquiétude exprimée par la DGAPR face au «surpeuplement carcéral», le MP avance le chiffre de 309 259 personnes ayant fait l’objet de poursuite judiciaire, au cours du 1er semestre 2023.

Lire aussi | Administration pénitentiaire contre magistrats

Dans ce nombre, 30% des cas concernent le trafic de drogue, 31% des cas sont relatifs à la violence au cours des manifestations sportives, surtout le football, et 30% ont trait à des organisations de malfaiteurs ou à des affaires d’atteintes corporelles graves à des personnes. Par ailleurs, la police judiciaire, dans le cadre de la lutte contre l’impunité, a dû procéder à l’arrestation de 162 545 personnes ayant déjà fait l’objet d’enquêtes et de poursuites judiciaires. Sur les 309 259 affaires pénales recensées, au cours du 1er semestre 2023, la part des personnes poursuivies en détention préventive, à fin juillet 2023, ne dépasse pas 39%, contre 40%, en 2022, pour la même période.

Lire aussi | IDE Maroc : les USA surpassent la France…

Alors qu’au cours des années antérieures (2010-2020), le taux de détention préventive a varié de 38% à 47%. En 2022, 87% des affaires pénales en cours ont été jugées, avec une moyenne de 2000 dossiers par magistrat. Malgré l’ampleur croissante de la délinquance et de la criminalité, et le manque de ressources humaines, le MP n’a pas baissé les bras et envisage d’organiser, au mois de septembre prochain, une rencontre nationale avec toutes les parties concernées, en vue de débattre sur les solutions pratiques et les alternatives possibles à même de réduire la population carcérale et de contribuer à une amélioration des conditions morales et matérielles de détention.

Lire aussi | Le géant chinois HUAYOU projette d’investir 200 MMDH dans la région de Laâyoune Sakya Al Hamra

L’objectif de réinsertion sociale devrait être réellement prioritaire et décliné concrètement dans la réalité pratique de la justice pénale. De sa part, l’observatoire marocain des prisons (OMP) a aussi réagi par un communiqué, le 9 août, pour souligner que la situation grave et alarmante des prisons fait appel à un défi sociétal, au-delà des calculs politiciens. L’OMP propose notamment la création d’une commission nationale composée de toutes les parties concernées, tout en évoquant la priorité relative à la réduction des cas de détention préventive, principal facteur du «surpeuplement carcéral», et l’adoption du projet de loi relatif aux sanctions alternatives à la privation de liberté.

Lire aussi | Entreprises à l’export. L’AMDIE lance un programme d’accompagnement dédié

En fait, au-delà des mesures urgentes à prendre à court terme et relatives à une application plus efficiente du droit pénal, et à l’humanisation des conditions de détention, le moment est venu d’ouvrir un chantier multidisciplinaire plus large pour la compréhension scientifique et profonde de la délinquance et de la criminalité, en tant que phénomènes sociaux. Cette nouvelle approche est indispensable pour l’élaboration d’une  nouvelle stratégie où la prévention pénale prime sur la répression. Si la recherche scientifique commence à faire son chemin et à être encouragée dans les domaines de l’industrie, des nouvelles technologies, des énergies renouvelables, de la médecine (…), elle s’avère tout autant indispensable dans les domaines des sciences sociales.

Celles-ci devraient permettre de mieux comprendre les causes sociales de la délinquance/criminalité, et d’intégrer des programmes pédagogiques dans le système d’éducation, dès l’enfance, en vue de former une nouvelle génération armée de valeurs morales fondamentales et plus immunisée contre toutes les sortes de déviations.

 
Article précédent

Maroc. Le temps ce vendredi 11 août

Article suivant

Covid-19. Ce qu’il faut savoir sur le nouveau variant «Eris»